Qui dit château, dit dragon. Et qui dit dragon, dit.... Trésor ! [PV=Liesel Hutto]

Dans sa fastidieuse exploration de l'île, Aneth était tombé en arrêt sur les vestiges d'un vaste monument en pierre. Un plaine affreusement morne et aride, autour de laquelle des armes abandonnées et brisées gisaient çà et là, s'était brusquement substituée aux ruines d'un château entouré par d'épaisses murailles encore solidement plantées dans une terre morte.
La simili dragonne devait lever les yeux très haut pour en contempler les tours, délabrées et fracassées, dont le temps n'avait pas encore eu raison.
Face à la grandeur du monument, Aneth sentait son cœur cogner fort dans sa poitrine.
Cet endroit éveillait quelque chose de fort en elle - d'irrépressible. Quelque chose qui titillait en profondeur son âme de dragonne ! Une sensation millénaire qu'elle avait encore du mal à comprendre, mais qui la forçait à garder les yeux braqués sur le majestueux édifice.
Dès lors, le mot "reculer" s'arracha à son dictionnaire.

La gamine était bien décidée à arpenter ces lieux pittoresques. D'autant plus qu'elle avait déjà entendu quelques histoires fantastiques au sujet des membres propres à sa moitié raciale reptilienne qui se voulaient naturellement appâtés par la perspective de trouver refuge dans un lieu aussi grand et défendable que celui-ci. Il y était notamment sous-entendu que les dragons ne s'enfermaient pas uniquement par plaisir de se retrouver seuls au milieu de nulle part, loin des autres espèces ; le plus souvent, les mythiques sauriens couvaient un fabuleux trésor sur lesquels quantité de valeureux guerriers, complètement abrutis par la gloire ou le profit, finissaient par se casser lamentablement les dents.
Avec ces histoires plein la tête, Aneth, en bon lézard, trouva donc une brèche dans le rempart par où elle se glissa souplement. Avant de pouvoir l'atteindre, elle dut escalader la muraille d'un gris terne et poussiéreux sur cinq bons mètres de hauteur, qui la fit ensuite descendre sur une cour où de vieux blocs de pierre s'étalaient un peu partout. De là où elle se tenait, Aneth en voyait un bon nombre plantées dans la terre comme des piquets, parfois même entre deux grosses dalles brisées sous leur poids.
La main en visière, elle promena son regard un peu loin dans ce paysage désolé et vit des cadavres de machines de siège - balistes et catapultes - qui l'incitèrent à épancher sa curiosité maladive.
La gamine cornue ignorait s'il y avait vraiment un dragon qui hantait ces lieux oubliés, mais en tout cas elle prenait déjà grand plaisir à les explorer !

" Voilà donc le fameux château ! "

C'est après un long voyage que Liesel arriva à sa destination : les ruines d'une ancienne forteresse, possiblement médiévale si les standards de son monde pouvaient être transcrits dans ce monde-ci.

La muraille de la citadelle se tenait toujours fièrement debout, défiante aux yeux du temps et des éléments. Elle laissa l'air sec de la zone envahir ses poumons, un large sourire accroché à ses lèvres.

" Ahhhh ! Voici le meilleur témoignage du passé de cette terre. Je ne sais pas qu'elle secret tu caches au plus profonds de tes entrailles, mais une chose est sûr : Quoi qu'il s'y trouve, je vais le trouver ! "

C'est plein d'entrain que Liesel avança vers l'entrée du bâtiment, passant par l'imposante voûte où siégeait précédemment une imposante porte, depuis longtemps disparu. Liesel ne put s'empêcher de laisser s'échapper un léger "Ooohhhh" face à l'impressionnante épaisseur du mur d'enceinte.

Elle se retrouva dans une cour, siégeant au milieu de plusieurs bâtiments, donc une construction de plusieurs étages, une impressionnante tour au milieu. Bien que les bâtiments soient extrêmement attirants, le caporal préféra commencer par arpenter le chemin de ronde. Mieux valait garder le meilleur pour la fin. De plus, la possibilité que les derniers instants la forteresse furent une bataille était possible, la quantité de débris et de destruction semblant trop important pour n'être attribué qu'aux ravages du temps.

La vue depuis le haut du rempart était époustouflante. Cette dernière se trouvait au point de jonction de plusieurs environnements différents, la transformant en porte d'accès, reliant les différents univers entre eux. Chaque point cardinal possédait son propre écosystème, offrant chacun des possibilités exclusives de découvertes et d'aventures...

C'est l'esprit remplit de possibilités que Liesel grimpa en haut d'une des tours de guet, décidé à obtenir la meilleure vue possible avant de continuer son exploration des mystérieux vestiges.
Alors qu'elle tournait sur elle même, elle perçu du mouvement au sein même du château.
Épaulant son fusil, elle entreprit de l'observer au travers de sa lunette :

Il s'agissait d'une jeune fille à la peau de porcelaine contrastée par sa longue chevelure d'améthyste. Bien plus que sa présence dans ce lieux désolé et isolé, c'est le reste de son apparence qui surprit Liesel. En effet, deux cornes encadrait le haut de son crâne, leurs couleur vert émeraude contrastant harmonieusement avec ses cheveux. De plus, elle traînait derrière elle une longue queue écailleuse d'un vert éclatant.

Liesel laissa s'échapper un soupir...
"Et me voilà de nouveau face à l'inconnu... Ce monde est vraiment des plus ..."

Elle se tût soudainement, remarquant un morceau de roche tombant directement vers la jeune fille alors que cette dernière passait à côté d'un des vieux bâtiment !

Liesel cria instinctivement de toutes ses forces :"ATTENTION ! AU DESSUS DE TOI !"

- Waaah ! Ce gros machin a l'air trop génial~

Aneth sautillait et piaillait d'admiration devant un trébuchet envahi par la poussière de la base jusqu'au filet déchiré que les défenseurs de la forteresse avaient, jadis, dû beaucoup employer. Les yeux couleur émeraude de l'hybride détaillaient la pièce d'artillerie avec un franc intérêt. L'enfant fut surtout impressionnée, à force de tourner autour de la machine et de se déplacer sur son socle en bois usé, par le nombre de poutres et de planches qu'elle comptait.
Soudain refroidie, elle finit par arrêter de gesticuler comme une authentique petite fille et porta un regard déçu sur le seul et unique levier, malheureusement brisé et complètement hors d'usage.

- Oh, la poisse ! bafouilla-t-elle. J'aurais adoré balancer tout un tas de trucs dans le lointain...

Avec une moue désenchantée, la simili dragonne se détourna de la machine et passa son chemin. Elle s'attendait bien entendu à en trouver d'autres pendant son périple mais, bizarrement, il n'y avait que débris de pierre ou de bois partout où ses pas l'amenaient.
Au bout d'un moment, les joues gonflées d'agacement, elle interrompit sa visite et se planta à côté d'une vieille structure effritée...
Il était question d'une sorte de tour dont la couronne crénelée avait connu des jours bien meilleurs. Aneth ne lui prêta qu'un vague coup d'oeil avant de promener son regard tout autour d'elle juste à sa hauteur.
Une faute d'inattention qui manqua lui coûter cher !
Heureusement pour elle, un avertissement de dernière seconde lui fut lancé. La gamine en perçut l'écho et leva automatiquement son nez ; le débris rocheux qui menaçait de la réduire en bouille sanglante se refléta dans ses prunelles que l'ombre du roc en chute libre assombrissaient dangereusement...

La progéniture draconique personnifiée réagit au quart de tour, fléchissant sur ses jambes menues - mais non moins souples - et armant son poing droit dans le même temps. Cette posture de combat lui permit, à l'aide d'une fulgurante rotation de la hanche, de projeter ses cinq phalanges gonflées par son pouvoir inné dans l'axe du bloc maudit, qui explosa dans un bruit d'enfer !
Une pluie de cailloux s'abattit alors sur la combattante. Un fin nuage de poussière grisâtre s'éleva depuis sa position, avalant la silhouette de la gamine durant une bonne poignée de secondes. Aneth avait baissé son poing toujours trois fois plus gros que la normal, victime d'une croissance peu esthétique mais à fortiori très destructrice pour tout obstacle qui oserait se tenir dans sa trajectoire. Il revint lentement à sa taille initiale, et la reprit pile au moment où elle le porta à son nez.
La surprenante enfant éternua bruyamment entre ses doigts griffus - non pas une, mais deux fois! cette dernière la fit presque décoller du sol, en plus d'inonder sa main d'une épaisse morve couleur de glaise.
Enfin Aneth, après s'être rappelée l'écho de cette voix mystérieuse à qui elle devait sans doute le privilège d'avoir conservé sa taille et surtout forme humaine, se tordit le cou dans l'espoir de localiser son ou sa bienfaitrice.

- Qui ? s'enquit-elle dans un rugissement trompeur tout en secouant sa main poisseuse. O-où ?!

Dressée au milieu des innombrables cailloux qui jonchaient les pavés fendus, elle n'avait de cesse de tourner la tête dans tous les sens. Malgré les apparences, la gamine aux sourcils froncés éprouvait de la reconnaissance pour l'inconnu(e) qui avait eu la gentillesse de la prévenir.

Dans la panique, Liesel était descendu de sa tour, bien déterminé à faire ce qu'elle pourrait pour aider la jeune fille. Alors qu'elle se ruait dans les escaliers du chemin de ronde, cette dernière manqua une marche, dégringolant par la même occasion les escaliers.
Alors qu'elle était en train de se relever, un fracas assourdissant retentit.

"Oh non..."

Une multitude de scénario se succédèrent dans la tête de Liesel. Il était possible que le bruit sourd ne soit que le résultat du bloc s'écrasant sur le sol, la gravité le brisant en une centaine de petits morceaux. Il était aussi possible qu'entre le bloc et le sol se soit trouvée la petite, transformant cette dernière... à l'état de légumes ! C'est donc au pas de course que Liesel arriva sur les lieux du drame.

Lorsque ses yeux se posèrent sur la fillette, elle laissa s'échapper un soupir : cette dernière n'avait rien ! Enfin, pas exactement. Son avant bras droit, plus précisément son poing, avait vu son volume multiplié ! Alors que Liesel restait là, abasourdie par ce drôle d'état, l'aspect déjà énigmatique de la créature vécu une nouvelle transformation. Son poing retrouva peu-à-peu sa taille d'origine, juste à temps pour que la jeune métamorphe puisse éternuer dans la paume de sa main.

Une multitude de questions se bousculèrent dans l'esprit du soldat. Cet état de fait semblait devenir de plus en plus récurent et elle ne savait pas si elle devait s'en réjouir ou s'en inquiéter. Il n'empêche qu'une pensée s'imposa sur toutes les autres : ceci ne pouvait pas être réalisé par un être humain !

L'être inconnu prit alors la parole, posant deux questions des plus simples : "Qui?" et "Où?".
Il s'agissait en réalité plus de mots que de questions... Peut-être que la jeune fille ne possédait elle aussi un langage des plus simplistes, tout comme son étrange rencontre au réfectoire de l’arène ? N'en restait-il pas moins que celle-ci pouvait parler, et donc communiquer.

Liesel mit pour le moment ses interrogations de coté, un introduction se prêtant mieux à l'ouverture d'un dialogue qu'un interrogatoire. Elle espérait aussi désarmer la situation, le jeune fille semblant prête à bondir sur quiconque s’approcherait de trop près.

"Bonjour. Je m'appelle Liesel Hutto. Enchantée."

Elle appuya ses paroles d'un large sourire, bien déterminé à paraître le moins dangereuse possible.

Les pulsations cardiaques de l'enfant dragon s'adoucissaient. Le sang lui battait de moins en moins aux tempes. Tout naturellement, le rythme de sa respiration aussi allait en s’arrangeant. En revanche, après un tel coup de stress, Aneth sentait insidieusement ses jambes et ses bras s'alourdir. Elle dut cesser de remuer la tête en tout sens parce qu'elle commençait un peu à lui tourner - et que ça devenait franchement désagréable.
Lorsqu'elle baissa les yeux sur l'objet de sa destruction - sur les miettes étendues ça et là qui en témoignaient - aucun étonnement ne se lisait sur ses traits juvéniles. Elle ne souriait guère et seuls ses sourcils exprimaient un semblant de contrariété.
Finalement, l'enfant évacua un soupir de soulagement en portant une main - celle dont elle s'était servie pour fracasser le bloc - au niveau de son cœur.

- C'est peut-être pas si marrant que ça de balancer des trucs au hasard à travers le ciel, songea-t-elle à voix haute.

Pour cette fois, c'était pas passé loin. Sans les enseignements de ses proches, de sa seule famille, le crâne lui serait tombé des épaules en mille morceaux !
Exactement comme les vestiges de ce bloc que son poing monstrueux a traversé...
Alertée par des bruits de pas ainsi que par une légère perturbation dans l'air, Aneth releva les yeux. Elle détailla alors la silhouette d'une curieuse personne aux cheveux d'un bleu-vert guère anodin, affublée d'une combinaison noire moins orthodoxe encore, qui l'avait presque rejointe.
La potentielle soldate portait quelque chose en travers de son dos et affichait dans son port quelques précautions notables, comme cette distance de sécurité plus que respectueuse qu’elle avait implicitement instaurée d'entrée de jeu.
Aneth conserva le silence pendant les trois premières secondes qui suivirent les salutations de son interlocutrice civilisée, puis inclina modérément la tête à son encontre.

- Salut ! sourit la gamine, dévoilant dessous ses lèvres étirées ses deux canines les plus proéminentes. (Elle pointa un pouce en direction du ciel avant de continuer sur un ton de causette.) Alors c'est vous qui avez poussé ce cri d'alerte ? Si c'est le cas : un grand merci, parce que j'ai bien failli y laisser mes plus grosses écailles ! Et me savoir intacte, ça fait de moi la plus enchantée d'entre nous deux, croyez-moi ! (Elle se permit un gloussement enfantin, puis cogna subitement ses talons l'un contre l'autre en levant une main, doigts tendus et serrés, à hauteur de son front en une parodie - plus ou moins réussie selon le point de vue - de salut militaire.) Je m'appelle Aneth Spirabilis, déclara-t-elle avec un entrain renouvelé.

Son sourire aussi mua en une expression plus joyeuse encore !
Échapper à une mort tragique l'avait mise de très bonne humeur, vraisemblablement.

Son introduction fut suivie de quelques secondes de silence, durant lesquelles la jeune fille détailla Liesel de la tête aux pieds. De toute évidence, elle en savait autant sur Liesel que Liesel sur elle.
Ces quelques secondes de silences suffirent à insuffler le doute au sein de Liesel. Se pourrait-il qu'elle l'ait vexée sans le savoir ? Cette inquiétude était de nouveau injustifiée, la petite inclinant léger sa tête avant d'elle-même se présenter.

- Salut !
Alors c'est vous qui avez poussé ce cri d'alerte ? Si c'est le cas : un grand merci, parce que j'ai bien failli y laisser mes plus grosses écailles ! Et me savoir intacte, ça fait de moi la plus enchantée d'entre nous deux, croyez-moi !

Elle accompagna son discours d'un grand sourire, qui bien que transmetteur de joie, soit aussi source d'inquiétude pour la vétérane. Elle disposait en effet des deux canines plutôt impressionnante, en considérant le fait que celles-ci étaient visibles alors que ses lèvres restaient fermées.

"Tant mieux que tu ailles bien. Je dois bien avouer que tu m'as fait une belle frayeur."
Liesel laissa s'échapper un léger rire. La fougue de la jeunesse...

Je m'appelle Aneth Spirabilis.

Elle accompagna son nom par un mouvement que Liesel connaissait bien, un mouvement qu'elle n'avait que trop vue et apprit à détester : un salut militaire.
Alors qu'un sourire était accroché à ses lèvres depuis le début de leur rencontre, celui-ci disparut aussitôt, laissant place à une froide colère.

"Ce geste est tout sauf sujet à plaisanterie." Son ton était plus que sec.
"Si tu es de bonne humeur tant mieux, je te laisse alors. Mais fait attention, un château en ruine est un lieu dangereux. Ce n'est en rien un terrain de jeu pour une enfant..."

Liesel tourna alors sur ses talons, tournant son dos à la jeune Aneth, afin de se rendre au niveau des vestiges d'armes de siège qui étaient à proximité. Elle espérait que l'une d'entre elle était encore fonctionnelle, un bon tir ou deux de ces armes lui permettrait peut-être de calmer ses nerfs.

Sur le chemin, elle se mit à grommeler dans sa barbe : "Non mais je vous jure, ces gamins... Jouer à la guerre par ci, adorer les soldats par là. Vraiment, il y a un problème avec l'éducation des gosses ! "

Rires et joie allaient de concert. La bonne humeur était de la partie, belle et bien présente, jusqu'à ce que... jusqu'à ce que quoi, au juste ?
Interloquée et prise de court par la froide et cassante réaction de l’innommée, Aneth ramena, lentement, le long de ses flancs, cette main qui lui avait servi à saluer respectueusement l'humaine à la chevelure colorée.
Elle ne comprenait pas du tout ce qui l'avait froissée aussi rapidement. L'enfant dragon paraissait médusée. Elle ne trouva pas le temps de répondre à la mise en garde concise, plutôt cinglante et diminutive que lui avait lancé la concernée avant de se désintéresser complètement d'elle.

- Un terrain de jeu pour... enfant ? releva-t-elle dans un filet de voix. Un geste sujet à la plaisanterie ? Mais... qu'est-ce qui lui a pris de me vomir ça au visage, à celle-là ? s'enquit-elle dans un bredouillement vindicatif.

D'accord : Aneth se sentait redevable qu'elle eut été mise en garde vis-à-vis de ce bloc de roc ayant manqué lui rompre le cou. Néanmoins, elle ne supportait pas du tout qu'on la traitasse comme une vulgaire gamine !
Une bouffée de colère l'arracha à sa torpeur. Ce fut à son tour de tourner les talons et de piétiner parmi les pierres qu'elle avait éparpillées un peu partout grâce à son art martial dévastateur.
En chemin, la mine boudeuse, ses membres raidis par l'énervement, elle balança un coup de pied dans un caillou et siffla distraitement entre ses dents :

- Pfff ! C'est ça : bon vent. Rabat-joie, va !

Elle était déçue - vraiment ! Mais cette déception-là, Aneth l'étouffait avec son indignation. A l'instar de son paternel adoptif, elle était du genre à s'emporter facilement, la petite.
Et elle n'avait pas sa langue dans sa poche !

- Ras le bol de tous ces gens bizarres, surenchérit fielleusement la gamine en pénétrant pensivement dans une sorte de tour un peu plus imposante et sombre que les autres. 'Sont pas croyable ! Tu leur souhaites le bonjour et lui leur donnes même ton nom, puis voilà qu'ils te traitent comme la dernière de la portée ! Ce fichu monde ne tourne pas rond. On y marche sur les cornes !

Le dos courbé et la mine renfrognée, elle ronchonnait et continuait de râler tout en grimpant marche sur marche. Elle agitaient les mains et martelait chacun de ses mots avec des petits gestes brutaux. Elle ne se fatiguait pas, son cœur encore et toujours envahi par la frustration de cette stupide rencontre !
Consternée, Aneth leva les bras en roulant des yeux vers le plafond et, tout en évacuant un gros soupir, les laissa retomber sur ses flancs dans un claquement de paume contre ses cuisses gainées.

- Peut-être que si je lance un pierre entre les yeux du prochain humain que je croiserai pour le récompenser de m’avoir filé un petit coup de pouce, il me dira merci avec un grand sourire éclatant, qui sait !

La "logique" tordue et tortueuse des visiteurs de cette terre absurde qu'elle tentait de décrypter ironiquement lui donnait des remontées acides et lui infligeait un début de migraine dont elle se serait bien passé.
Prisonnière de ses réflexions, Aneth ne regardait même plus où elle allait. Si bien qu'elle finit inconsciemment par se rendre au sommet de l'édifice mystérieux où l'attendait quelque chose, tapi dans la pénombre...
En relevant la tête, le regard de la simili dragonne s'arrêta sur deux petites lueurs rougeâtres qui s'étaient curieusement allumées au-dessus d'une forme incurvée en direction du sol de pierre froide.

- ...Bah ?

Ce fut là tout ce qu'elle put se poser comme question.
Un sifflement menaçant retentit dans la pièce en même temps qu'un froissement de plumes.
Le temps d'un battement de cils, quelque chose de longiligne, de dur et d’élastique percuta l'enfant de plein fouet, l'expédiant d'emblée à travers un mur délabré de la tour comme si celle-ci était composée de biscotte !

Les bras croisés sur sa poitrine et les poings serrés comme deux têtes de masse-d'armes, Aneth, toute grimaçante, bascula au dehors à une hauteur susceptible de donner le vertige à n'importe quel terrestre.
A mi-chemin de sa fulgurante chute en diagonale, de son seul œil encore ouvert Aneth entraperçut l'image de son assaillant sournois encadré par l'agitation frénétique de ses propres cheveux violets.

Une aspect de gros poulet avec une tête de coq. Des plumes colorées plantées sur tout le corps. De grandes ailes membraneuses. Une queue qui se termine en tête de serpent. Deux prunelles d'un rouge brillant et sanglant...
Une Cocatrix !

Après avoir passé quelques minutes à examiner les engins antiques, Liesel jeta son dévolu sur un scorpion, le petit frère de la baliste. Ce dernier semblait encore en état de marche, seul la corde nécessaire à l'envoi du projectile semblait ne pas répondre à l'appel. Si seulement elle pouvait...

"Mais qu'est ce que je fais là ! "

Liesel laissa sa rage exploser. Observer les machineries antiques n'avait en rien produit l'effet escompté. Elle n'arrivait pas à sortir de son crâne l'image de la jeune fille réalisant un salut militaire !
Ce n'était cependant pas contre elle que Liesel était en colère, mais belle est bien envers sa propre personne. Elle ne pouvait que trop bien se remémorer son passé, lorsque qu'elle avait rejoins l'armée après le drame. Cette armée si accueillante et agréable à l’œil. Si seulement elle avait prit ne serais ce que quelques instants pour réfléchir, elle aurait compris l'affront qu'elle faisait à la mémoire de ses parents, pour qui la paix valait plus que tout.
Ce n'était cependant pas la seule image qu'avais provoquer Aneth... Cette dernière lui évoqua par son geste les ribambelles d'enfants de son monde natal, qui étaient beaucoup trop prompt à regarder les soldats avec de grands yeux pleins d'étoiles et de rêves... Non seulement Liesel avait trahi ses parents, leurs enseignements, mais aussi avait-elle renforcé l'idéalisation des jeunes pour l'armée, fournissant à l'état de futures recrues pour les bains sanglants à venir... Mais cela, Aneth...!

"J'ai déjà entendu ce nom quelque part! "

Un éclair de lucidité avait frappé Liesel, qui se démenait afin de savoir où elle avait bien pu entendre ce nom, ne remarquant pas les larmes qui avaient commencé à couler le long de ses joues.

"Eureka ! Aneth, c'est le nom du dragon dont m'avait parlé Laïma !"

La révélation s'accompagna cependant d'un doute. La petite ne ressemblait en aucun point au dragon que Liesel avait déjà rencontrer. Cependant, la possibilité que cette Aneth soit l'Aneth qu'ai rencontré Laïma était suffisant pour insuffler un l'intérêt, ainsi qu'un léger sentiment de culpabilité, envers la jeune fille.

Alors que Liesel se dirigeait vers le centre de la cour, dernière position connue de la mystérieuse Aneth, un bruit assourdissant se produisit. Lorsque Liesel leva la tête, elle aperçut le recherchée qui tombait dans le vide.

"Non mais c'est pas possible, je lui ai portant dit que..."

Liesel se tut instantanément, un problème bien plus important que les capacités auditives de la jeune fille se présentant.
Une créature se tenait dans le trou béant dont avait été propulsé Aneth, montrant très clairement son hostilité.
Sans même réfléchir, la soldate s'empara de son arme, tirant une balle en direction du buste de la créature.

L'enfant dragon poursuivit sa dégringolade au-dessus d'une grande porte en chêne. Crispée comme un animal sur le point de se faire renverser, elle passa à travers un mur pourtant bien robuste, se fracassa violemment parmi plusieurs rangées de bancs poussiéreux et à moitié pourris, aspergeant les alentours d'échardes et de débris de planches, puis termina enfin sa douloureuse course contre un mystérieux autel qu'un réseau de lierres d'un brun automnal avaient recouvert.
Au beau milieu d'un fantastique nuage de poussière, à demi-encastrée dans la pierre, Aneth dut s'ébrouer pour se remettre les idées en place. Elle entreprit ensuite de se redresser mais, simplement en s'y essayant, la gamine cornue manqua vomir à cause des vertiges.
Ces derniers lui passèrent après quelques longues secondes d'attentes dont elle se serait bien passé ; l'impulsive créature à face humaine ruminait déjà sa vengeance à l'encontre de ce maudit coq à queue reptilienne !
Une veine affleurant sur le front, Aneth ramassa une pierre aussi grosse que son poing et, en serrant très fort, la fit exploser en même temps qu'elle émit un grognement à peine contenu.

- J'vais plumer cette saloperie, lâcha-t-elle en un souffle rauque. Foi de saurien !

Un coup de feu retentit au dehors.
Aneth releva le menton et, sans plus réfléchir, traversa précipitamment la pièce comme si elle avait le diable aux trousses... ou bien qu'elle le poursuivait avec la ferme intention de le châtier.

La cocatrix émit un son aigu tout à fait horrible à entendre lorsque la balle qu'on lui avait tirée se perdit dans son plumage bariolé. Elle fut prompte à détecter la menace et pivota sa tête crêtée de rouge dans sa direction, poussant un énième cri qui, cette fois-ci, tenait du rugissement. D'une impulsion, la créature chimérique descendit la tour à la verticale, s'aidant autant de ses serres et de ses ailes de poulet prétendument inutiles pour parvenir à ce prodige.
Rejoindre le plancher des vaches ne lui prit que très peu de temps - un délai très mince ponctué par un caquètement menaçant. Là bas, l'animal mythique exécuta plusieurs bonds rapides qui l'amenèrent auprès de la tireuse, à laquelle elle distribua toute une série de coups de bec assez puissants pour faire sauter du sol quelques pavés !
Liesel s'était mise dans de beaux draps...

...quand la porte massive de l’église abandonnée vola en éclats, littéralement arrachée de ses gongs rouillés par un missile à la tête surmontée de deux cornes menaçantes !
Ce projectile humanoïde galopait si vite que ses pieds menus semblaient à peine toucher le sol, qu'ils quittèrent brusquement en soulevant un petit nuage de poussière grisâtre. Aneth - parce qu'il s'agissait bien évidemment de cette intrépide gamine ! - atterrit alors sur le cou de la cocatrix, qu'elle rendit folle furieuse en tirant méchamment sur sa crête carmine alors que l’animal de légende tentait de picorer un insecte qui n'en était point un.

- Comment as-tu osé m'frapper, canaille à plumes ?! vociféra Aneth. J'vais te faire payer ça au centuple, tu vas voir !

Les jambes enroulées autour du cou de la cocatrix, accrochée d'une seule main à sa crête qu'elle tordait toujours, la cavalière dragonne se servait de son autre poing pour lui taper dessus !
Cette manœuvre dangereuse et impulsive excita la bête à deux têtes, qui se mit à tourner sur elle-même en sautillant non sans battre vainement des ailes. Dans son sillage, la queue en tête de serpent, tel un fouet aussi épais qu'un anaconda, dessina une trajectoire en arc de cercle au bout de laquelle se tenait Liesel.
Des crocs suintant de venin menaçaient de se loger dans son poitrail !

Et pan !
La balle avait filé dans l'air, se logeant dans le pelage épais de la drôle de créature. L'impact sourd de la balle fut poursuivi d'un cri strident : la douleur était perceptible dans l'air. Un sourire se dessinait sur les lèvres de Liesel. Malgré ses blessures, la tireuse maîtrisait toujours son sujet. Cet élan de contentement fut cependant de courte durée. La créature avait en effet réagi bien plus vite qu'elle ne l'avait anticipé.

"Mais que..."

La pauvre n'eut pas le temps de finir sa phrase, le monstre ayant descendu la tour à une vitesse ahurissante, prête à bondir sur Liesel. Par reflex, cette dernière brandit son fusil, mais malheureusement bien trop lentement pour pouvoir frapper la bête. Celle-ci, d'un bond violent et rapide, plaqua le soldat au sol, envoyant le fusil voler au loin.

La violence du contact avec le sol expulsa l'air des poumons de Liesel. Elle avait l'impression de s'être pris un véhicule de plein fouet !
Acculée sous la bête, c'est un combat déjanté qui s'engagea entre le monstre et sa nouvelle proie, un duel des plus ardus pour la pauvre humaine.
La cocatrix tentait par tous les moyens de l’empaler violemment avec son bec, la puissance de ses attaques arrachant le sol dallé de la cour. Sa victime se débattait tant bien que mal, roulant de droite à gauche dans l'objectif d'éviter un trépas aussi rapide qu'infortuné.

Malheureusement pour elle, sa vitesse ne pouvait rivaliser avec celle du prédateur. De multiples coupures et éraflures commençaient à apparaître le long de son corps, handicapant encore un peu plus la femme.

La solution fut aussi soudaine qu’inattendu en la présence d'une ombre émeraude sautant sur le dos de la bête, forçant cette dernière à relever la tête pour s'occuper de cette nouvelle menace.
Devant une Liesel ébahi se jouait un véritable rodéo des plus sauvages ! La jeune fille s'accrochait au cou du monstre grâce à ses jambes qui semblaient puissantes, ne cédant pas face à la violente ruade du chevauchée, tout en martelant de coups l'odieuse chose qui avait osé l'attaquer un peu plus tôt.

L'observation de Liesel vint cependant à un stop lorsque celle-ci sentit une douleur aigüe se former au niveau de son flanc : la queue de la créature, arborant une tête de serpent, venait d'y prendre place, logeant ses deux longs crocs au plus profond de sa chair.

Un bruit métallique retentit alos sur-le-champs de bataille improvisé, une statue grandeur nature de Liesel frappant le sol, figeant la combattante dans une position de stupéfaction, son visage doré reflétant la douleur qu'avait précédé la transformation.

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