[Terminé] Une vie de chat [PV Sissel]

Sujet: [Terminé] Une vie de chat [PV Sissel] Mar 31 Mar 2020 - 1:38

Gaïa détestait le changement. À peine un jour qu'elle avait atterri en ce monde, et elle voulait déjà rentrer chez elle. L'hybride avait eu le temps de voir son monde évoluer lentement au fil des siècles, ses habitudes s'adaptant progressivement. Mais là, elle s'était pris un mur, et avait encore mal au museau.

Entre ses repères perdus et les personnes étranges qu'elle avait croisées depuis la veille, il lui semblait devenir folle. L'hybride n'avait aucune idée de la raison pour laquelle elle s'était retrouvée ici. Elle ne savait pas non plus par quel moyen elle était passée de son monde à celui-ci. Certains parlaient d'un portail lumineux en forme de croix, dans lequel ils avaient volontairement mis le pied... Quelle inconscience !

C'est après une longue nuit -suivie d'une matinée- de sommeil, dans la fameuse chambre qui lui avait été réservée sans sollicitation de sa part, qu'elle quitta de nouveau le Colisée à la recherche d'un coin tranquille. Elle avait manqué de chance la veille, en tombant sur un humain des plus étranges dans un des endroits les moins propices à une rencontre, et comptait bien se dénicher un coin bien à elle, à l'abri de toute civilisation, et loin du bâtiment qui grouillait d'êtres humains et autres bizarreries. Le carnaval à longueur de journée, très peu pour elle !

La Manakete s'envola donc au-dessus des paysages environnant le Colisée, et prit la même direction que la fois précédente, en prévoyant d'aller plus loin encore. Voler sur une telle distance la fatiguait quelque peu, alors un humain normalement constitué n'allait certainement pas marcher si loin.

Repérant quelques recoins qu'elle avait aperçus la veille, son attention fut retenue par ce qui semblait être les vestiges d'une ancienne civilisation. Des endroits tels que ceux-cis, elle en avait déjà vu quelques uns. À vrai dire, elle avait vu des peuples poser leur première pierre, avant d'être décimées quelques siècles plus tard, pour diverses raisons. Ce n'était donc plus une surprise de voir de tels lieux, désertés par l'Homme. Certains trouvaient ce genre d'endroits fascinant ; Gaïa n'y voyait là qu'un témoin de la bêtise humaine.

C'était là l'avantage des ruines d'un peuple disparu : aucun humain à l'horizon. Elle touchait le gros lot.

La créature s'approcha du sol et posa patte à terre, avant de reprendre sa forme humanoïde. Elle avait atterri au beau milieu de l'allée centrale, et se mit alors en quête d'une bâtisse viable et confortable à déclarer comme résidence secondaire. Tout ce qu'elle demandait était un coin tranquille où faire la sieste. Était-ce si compliqué à trouver ?

Ce qui attendait Sissel de l'autre côté de la faille n'était pas l'avenir, comme il avait pu le penser tout d'abord. Cela aurait été logique, après l'immense bond dans le temps qu'il venait de faire. Cela n'était probablement pas non plus le passé, ou alors très lointain. Alors que le chaton soulevait sa truffe et observait les alentours, une conclusion s'imposait à lui avec une certitude de plus en plus forte : il n'était plus dans le parc. Ni dans ce qui l'avait précédé, ni ce qui était là encore avant. Il était… ailleurs. La météorite n'avait jamais eu le pouvoir de faire voyager dans l'espace, donc ce n'était pas une possibilité. Restait la propriété principale de la météorite, celle qui avait déclencé toute cette histoire…

"Miou ?"
Est-ce le monde des morts ?

C'était une conclusion logique, après tout. Le monde autour de lui ressemblait à une ville en ruine. La météorite empêchait les défunts de passer de l'autre côté. Et Sissel était lui-même décédé. Ce n'était cependant qu'une hypothèse pour l'instant, pas une certitude. Il avait besoin d'enquêter, de récolter plus d'informations pour affiner ses conclusions. Il se redressa donc, étira ses pattes de chat, et commença à explorer les ruines.

Il ne trouva personne, cependant. Les allées étaient désertes, les bâtiments abandonnés. Ses petites pattes laissaient de discrètes empreintes dans la poussière. Il avait les oreilles à l’affût du moindre son mais il n'y avait rien, rien sinon le vent. Et rien à toucher avec ses tours de fantôme non plus. Il était tout seul, perdu dans cet endroit étrange. Cela ne faisait pas beaucoup avancer son enquête… Hmm ?

Il se figea d'un bond et tourna la tête, les sens à l’affût. Aucun doute possible, il avait entendu quelque chose. Un bruit. Un bruit… d'ailes, comme un oiseau ou un tissu agité par le vent. Quelque chose, en tout cas. Cela faisait presque une heure qu'il tournait en rond, alors il prendrait n'importe quoi de plus intéressant qu'un énième caillou.

Il courut à toute vitesse vers la source du bruit, le bruit de ses gestes souples de félin aguerri complètement dissimulés par le son du vent. Les cachettes ne manquaient pas et quand il vit enfin quelque chose se démarquer de la roche maronnasse des alentours, il bondit à couvert pour observer en silence. C'était… quelqu'un. Une jeune femme, étrangement vêtue. Qui marchait seule, d'un pas assuré. Elle ne semblait pas perdue, ni menaçante, et certainement pas décédée. Dans le doute, Sissel sortit de sa cachette et s'approcha d'un pas léger, presque inaudible.

"Miou !"
Salutations, mademoiselle.

Il attendit d'être à proximité, moins de deux mètres, pour s'immobiliser et tenter de toucher l'inconnue avec ses pouvoirs de fantôme… sans effet. Elle était bien vivante. Cela ne lui faciliterait pas la tâche pour discuter et poser des questions...

Gaïa marchait tranquillement le long de l'allée principale, observant les alentours sans expression particulière. Ce paysage lui était presque familier, et à ce stade de son existence, la curiosité était rarement provoquée chez elle. Et ces ruines n'avaient clairement rien de transcendant. Des structures banales formées par des amas de pierres ternes... C'était tout simplement moche.

Elle s'engagea dans une ruelle, détaillant chaque bâtisse à la recherche d'un abri confortable et sans danger. La tranquillité, oui, mais si c'était pour se faire écraser par l'effondrement de son refuge pendant sa sieste... La mort ne l'effrayait pas le moins du monde, mais ce n'était clairement pas ainsi qu'elle voulait finir ses jours.

Alors qu'il lui semblait apercevoir plus loin un bâtiment répondant à ses critères, elle s'arrêta en entendant un bruit bien différent des autres, comme une sorte de... Miaulement ? Les sourcils légèrement froncés, l'hybride regarda un peu autour d'elle à la recherche de la source de ce bruit qu'elle n'était même pas sûre d'avoir entendu.

C'est alors qu'elle vit une petite créature accourir vers elle. Depuis son arrivée, elle avait aperçu toutes sortes de bestioles - humains, hybrides, animaux humanoïdes, créatures non identifiées... Mais un animal, un vrai ? Pas un seul.

Et ce n'était pas n'importe quel type d'animal, car lorsque ce dernier fut plus proche, la Manakete put constater que c'était...

« Un chaton !? »

Son regard habituellement froid se remplit aussitôt d'étoiles et elle s'accroupit face à cette adorable boule de poils qui venait de surgir de nulle part. Si Gaïa ne pouvait pas supporter les humains et certaines autres créatures, elle avait un énorme faible pour les chats, qui se fit bien vite ressentir. Si quelqu'un d'autre avait été là, elle aurait été prise pour une folle... Enfin, ça, elle l'était sûrement déjà.

Étant totalement attendrie par l'animal, elle tendit doucement sa main vers lui, voulant le caresser. Sa voix était devenue étonnamment douce, comme celle de toute personne complètement gaga face à un chat.

« Oh mais qu'est-ce que t'es mignon toi... Qu'est-ce que tu fais tout seul ici trésor ? Tu t'es perdu ? »

Le foulard rouge autour de son cou suggérait qu'il appartenait à quelqu'un, mais n'ayant vu personne dans les environs et se demandant bien qui pouvait venir promener son chaton dans un endroit pareil, elle en avait déduit qu'il s'était égaré. Le pauvre petit chou...

Le changement d'attitude de la demoiselle n'échappa pas au détective félin. Il ignorait cependant tout des raisons derrière la froideur initiale de l'inconnue. Le sujet aurait été intéressant, il n'était après tout pas dans les habitudes de Sissel d'abandonner une femme en détresse à son chagrin ou à ses troubles. Sa seule présence semblait suffire à la soulager pour l'instant, et le chaton n'était lui-même pas opposé à un peu de chaleur et de sympathie dans ce lieu déserté et inconnu. Il se laissa donc caresser sans protester, et fit même le dos rond pour faciliter le geste.

Il en profita également pour observer un peu plus en détail sa nouvelle connaissance. Dire qu'elle était étrangement vêtue serait encore en-dessous de la réalité. Sa tenue légère et bariolée était loin de celles que Sissel avait l'habitude de voir. Une étrangère, peut-être ? Ou une autochtone, du point de vue de cette cité abandonnée. Vivait-elle ici ? Seule ? Sans source visible de nourriture et d'eau, pour autant que le fantôme puisse en juger. Ce dernier détail ne le dérangeait pas outre mesure, il n'avait besoin ni de l'un ni de l'autre – les avantages de la mort – mais les êtres vivants si. S'il trouvait où la demoiselle se nourrissait, il trouverait peut-être un îlot de civilisation, avec des vivants, et surtout des défunts. Un cadavre frais, avec qui il pourrait échanger, ce serait idéal. Parce que pour l'instant…

"Miiiou ?"
A tout hasard, vous ne comprendriez pas ce que je dis ?

Évidemment que non. La demoiselle ne pourrait rien lui dire, elle ne comprendrait pas ses questions, et sans question elle ne lui expliquerait pas ce qu'il voulait savoir. Qui irait spontanément expliquer à un chat où il se trouve, pourquoi ? Et qui se présenterait à un chat ? Au moins, si il restait avec l'inconnue, il en apprendrait plus sur cet endroit. C'était sa meilleure chance. Et elle avait l'air des plus sympathiques. Il s'approcha encore un peu, et se frotta la tête contre sa cheville. En la marquant ainsi, il pourrait retrouver sa trace à l'odeur et la suivre si elle s'éloignait trop.

Étant totalement attendrie par le chaton, Gaïa le caressait en souriant presque bêtement, appréciant grandement sa présence au beau milieu de ce désert humain. La courte espérance de vie de l'Homme, en plus de sa stupidité, était une des raisons pour lesquelles elle s'était rapidement éloignée de l'humanité ; mais malgré la longévité bien plus maigre des félins, l'hybride en appréciait toujours la compagnie. Les chats avaient en quelque sorte une vision du monde similaire à la sienne : les êtres humains font partie du décor, et manger et dormir sont les deux seuls verbes qui existent. Et tel que les légendes disaient sur eux, Gaïa pouvait être considérée comme ayant plusieurs vies. Bien plus qu'eux.

Bien évidemment, elle ignorait totalement que cette légende était une réalité pour le chaton qu'elle caressait affectueusement depuis quelques minutes. Et de manière plus évidente, elle ne comprenait pas les questions dissimulées derrière ses miaulements si agréables à entendre. Mais quelle bouille adorable... Si ce chat n'avait pas porté sur lui l'existence d'un maître, elle aurait certainement tenté d'en faire son compagnon de route dans ce monde nouveau. Quoique, elle se fichait bien de dérober l'animal de compagnie de quelqu'un d'autre, puisque voler était dans sa nature. Et si c'était pour enlever cet adorable félin des mains d'un propriétaire suffisamment négligeant pour laisser son jeune animal seul dans un endroit pareil, alors cela serait amplement justifié.

« Tu es là depuis combien de temps petit ange ? Tu dois avoir faim... »

La Manakete avait bien conscience qu'elle parlait toute seule -du moins, c'est ce qu'elle croyait. Mais comme toute personne ailurophile qui se respecte, elle s'adressait à ce générateur de tendresse comme s'il pouvait lui répondre. Et comme si la situation n'était pas suffisamment ridicule, elle le faisait sur un ton mielleux, digne du pire cliché.

Tout en continuant de le caresser, ce dernier semblant apprécier ses gestes et sa présence, elle cessa de penser à ses propres besoins -chose rare, voire inédite-, et réfléchit quelques instants au sujet du chaton. Le Colisée était bien loin, alors que faisait-il ici, seul ? De quoi se nourrissait-il s'il vivait dans cet environnement ? Il avait forcément un maître, ce foulard autour de son cou n'avait pas pu s'y nouer tout seul. Peut-être quelqu'un avait-il élu domicile ici. Peut-être même qu'elle était observée, en cet instant.

Elle étudia cette possibilité quelques secondes en regardant rapidement autour d'elle, puis en vint à une conclusion simple : elle s'en fichait.

« Tu veux rester avec moi ? J'ai rien à te donner pour l'instant, mais ce sera vite réglé si tu me suis. »

Elle se releva doucement et fit quelques pas, voulant voir s'il acceptait de la suivre ou voulait continuer sa vie tranquillement.

A la réflexion, la tenue de la demoiselle sans nom était définitivement peu pratique. Si elle avait porté une robe, ou un pantalon, ou même des collants, Sissel aurait pu tenter d'escalader ses vêtements pour s'accrocher à elle, et ne pas laisser le moindre doute : il voulait la suivre, même si ce n'était pas pour trouver à manger. Là, cependant, s'il tentait de grimper, il allait la blesser, et c'était hors de question. Il se contenta donc de rester avec elle et de se laisser papouiller. Et puis c'était si bon…

L'espace d'un instant, une idée lui vint. Il n'eut cependant pas le temps de s'y attarder, et l'oublia presque aussi vite, car l'inconnue s'était relevée et reprenait la marche en l'invitant à la suivre. C'était définitivement une étrange manière de communiquer qu'ils avaient trouvé, elle pensait s'adresser à un animal incapable de la comprendre et il ne pouvait pas lui répondre pour lui donner tord. Il pouvait seulement la suivre, pour l'instant, et trottiner à sa suite jusqu'à trouver des réponses.

"Miiii !"
Pas si vite !

En fait, il aurait vraiment voulu lui sauter dans les bras, ou sur l'épaule. Ou dans son sac, comme faisait Yomel. Marcher à sa suite serait vite peu pratique, car en lieu et place de longues jambes d'humain, il avait des petites pattes de chat, incapable de suivre le rythme. Pour l'instant ça allait, elle s'était arrêtée pour l'attendre, mais continuer comme ça serait vite lassant pour l'un d'entre eux. Soit elle devrait s'arrêter tout les quelques mètres, soit il devrait courir tout du long.

Le chaton semblant enthousiaste à l'idée de la suivre, Gaïa esquissa un léger sourire. L'animal voulait bien de sa compagnie, et elle espérait que cela allait durer. Elle avait l'habitude d'être seule, mais comme beaucoup de personnes, elle savait apprécier d'être en présence d'une autre âme.

L'hybride marcha quelques mètres sans trop presser le pas, puis se rendit compte que leur petit groupe n'allait pas pouvoir aller bien loin en avançant à ce rythme. Le jeune félin n'avait certainement pas la même endurance qu'elle, d'autant plus que ses capacités n'étaient sûrement pas à leur maximum. Il semblait déjà peiner à la suivre.

Après quelques instants à l'observer, elle se pencha doucement en le prenant délicatement entre ses mains, avant de le soulever à hauteur de son visage. Elle le scruta en souriant légèrement, sa petite frimousse étant à croquer.

« T'es vraiment trop mignon... »

Elle le déposa sur son épaule, celle-ci étant protégée par sa courte cape de cuir et d'écailles, il ne risquait pas de l'esquinter avec ses petites griffes.

« Tu peux y aller, c'est du cuir de wyverne. »

Elle devait être arrivée à la même conclusion car, après avoir repris sa marche sur quelques mètres à peine, elle prit Sissel pour le poser sur son épaule. Une épaulière en cuir, bien assez solide pour y planter ses petites griffes sans risquer de l'abîmer. Si solide, en fait, qu'il pouvait à peine les érafler. Heureusement que la jeune femme marchait lentement, et que le félin avait un bon équilibre. Par contre… wyverne ? Il ne connaissait pas cette… marque ? Bestiole ? Chose. Quoi que ça soit, c'était de la qualité.

"Miou."
Merci bien.

Il gigota un peu, le temps de trouver la meilleure position, avant de s'immobiliser. Il était à moitié assis, à moitié allongé, ses pattes pendouillant de chaque côté de l'épaulière comme une tenaille pelucheuse. Dans cette position, il avait une vue imprenable sur les alentours. Et pas une trace de vie alors que leur improbable duo progressait parmi les ruines. Juste de vieux bâtiments abandonnés, branlants et déjà à moitié effondrés, vides de tout sinon de gravas et de poussières. Certains semblaient prêts à s'effondrer à tout moment, comme cette tour devant laquelle ils passaient. Elle devait s'élever haut à une époque mais il ne restait plus que trois étages, grêlés de trous et de pierres manquantes. Et en parlant de pierre, Sissel eut juste le temps d'en voir une se détacher pour de bon et chuter droit dans leur direction.

"Miii !"
Attention !

Il hurla de toutes ses forces à l'humaine avant de bondir à son tour, comme pour lui montrer l'exemple. Son corps finirait par se remettre s'il était brisé, tant que la météorite tenait, mais elle n'avait pas cette chance. Il se réceptionna sans peine au sol avant d'entendre un bruit très familier, trop familier, celui d'un objet lourd qui percutait le sol à toute vitesse. L'inconnue s'était-elle trouvée coincée dessous, cependant ? Il se retourna et chercha du regard, espérant qu'elle avait aussi eu le temps de s'enfuir.

Le chaton trouvant son équilibre sur son épaule, Gaïa repoussa ses cheveux sur le côté afin qu'il ne s'empêtre pas dedans. Il était vraiment adorable, elle était bien contente de l'avoir trouvé. Et parmi tous les félins sur lesquels elle aurait pu tomber, celui-ci était noir, en plus d'être mignon. C'était là son type de chats préféré. Noirs aux yeux jaunes, et, selon les croyances populaires et les superstitions, signes de mauvaise fortune. En d'autres termes, ses meilleurs alliés.

L'hybride continuait d'avancer entre les bâtiments délabrés, en pouvant désormais marcher à un rythme plus soutenu. Son compagnon de route semblait avoir trouvé une position stable sur son perchoir, et observait désormais curieusement les alentours.

Elle sourit en l'observant, sans trop se soucier du reste. La raison de sa venue en ces lieux s'était évaporée au profit du chaton qui accaparait toute son attention. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne s'était pas attachée à un animal, la tristesse de les perdre les uns après les autres étant bien trop grande. Peut-être que celui-ci allait la faire replonger.

Soudain, la Manakete entendit un craquement, puis vit le jeune félin bondir de son épaule en s'écriant. Surprise, elle écarquilla les yeux et tourna vivement la tête vers l'origine de ce bruit inquiétant, et eut à peine le temps de voir la pierre arriver vers elle que tout devint noir.

L'imposant bloc de roche l'avait percutée de plein fouet et abattue sur le coup, ne lui laissant ainsi pas le temps de réagir ni de comprendre ce qui lui arrivait. L'impact avait été si violent qu'elle se changea en trophée avant même d'avoir rencontré le sol. Ainsi, elle était désormais figée sur un socle d'or renversé sur le sol, adoptant une posture gracieuse tout en regardant droit devant elle, ses yeux reflétant une froideur glaciale.

Il… N'y avait pas de corps. Pas au sens traditionnel. Sissel avait connu son lot de morts écrasés – jamais lui-même, mais une certaine détective rousse, ou des tueurs à gage – et il savait à quoi ça ressemblait. Et ça ne ressemblait pas à des statues. Une bien étrange statue d'ailleurs, très réaliste malgré son manque de couleur, et figée sur un socle doré. Était-elle tombée avec la pierre ? Et si oui, que faisait-elle là dans un premier temps ? Il s'approcha pour examiner de plus près. Il n'y avait vraiment aucune trace du corps de l'inconnue, comme si elle s'était volatilisée. Quand à la statue, il lui donna quelques coups de pattes sans obtenir de réaction. C'était bien une statue.

Le plus étrange survint quand il utilisa ses pouvoirs des morts. Il voulut toucher l'âme de l'inconnue sous la pierre, mais elle ne s'y trouvait pas. Elle était pourtant là, et bien morte, mais… dans la statue. Ça, c'était du jamais vu. Le fantôme l'examina un instant sans trop savoir comment réagir. Est-ce que c'était vraiment son corps ? Une pierre qui tombe ne pouvait pas faire ça normalement, mais peut-être que les choses fonctionnaient autrement… ici. Dans le monde des morts, si c'était bien là où ils étaient. Sissel en doutait de plus en plus.

Il y avait un peu de bonheur dans ce malheur, au moins. Maintenant qu'elle était morte, Sissel pourrait parler à cette mystérieuse jeune femme, c'était l'occasion d'enfin en apprendre plus ! Et si cette statue était vraiment comme son corps, alors il pourrait la sauver par la suite. Il avait son corps, et il fallait juste esquiver un rocher en chute libre, il saurait se débrouiller. Restait la partie la plus compliquée : contacter la défunte. Après leur mort, les âmes étaient toujours confuses, et sans un coup de main pour les aiguiller dans la bonne direction, elles ne pouvaient même pas se souvenir de qui elles étaient. Leur rappeler leur nom, ou leur montrer leur corps, pouvait facilement les aider à retrouver leur identité, mais sans ça, ils pouvaient rester amnésiques très longtemps. Le chat en savait quelque chose. Or, il ignorait tout du nom de l'inconnue, et cette statue étrange ne suffirait peut-être pas à lui rappeler sa vie.

Tant pis, finit-il par se dire. Si elle ne se souvient de rien, je pourrais toujours la sauver et la recontacter par la suite. Il s'approcha donc et tendit son âme vers le trophée pour contacter la défunte. Comme d'habitude, son esprit félin se matérialisa dans le sien. Le temps qu'elle s'éveille et se souvienne, elle n'était elle-même qu'une flamme bleue sans trait particulier.

"Hey, est-ce que tu peux m'entendre ?"

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