[Terminé] Une vie de chat [PV Sissel]

L'hybride s'éveilla après un moment... Où était-elle ? Ou plutôt... Qui était-elle ? Quelque chose ne collait pas... Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus... Tout était confus dans son esprit ; en fait, il n'y avait rien. Une page blanche, voilà ce qu'elle était.

« Où... Où suis-je ? »

Il lui semblait avoir entendu une voix, mais tout ce qu'elle voyait était un adorable chaton noir, avec un foulard rouge autour du cou. Qu'est-ce qu'il est mignon... Ce fut sa première pensée. C'est seulement ensuite qu'elle se questionna réellement sur les circonstances. Elle ne se souvenait de rien, pas même de son prénom ou de son apparence.

L'animal la regardait de ses grands yeux jaunes. Dans le néant qu'étaient ses souvenirs, elle ne se souvenait pas l'avoir déjà vu. Elle n'avait aucune idée de son nom, pas plus que du sien.

« Qu'est-ce qui se passe ? »

Au fond, elle ne savait pas si elle s'adressait au chaton ou à elle-même. Le félin ne risquait pas de lui répondre, et elle ne savait absolument pas quoi faire en cet instant. Le décor autour d'eux lui était flou, tout comme sa mémoire qu'elle peinait à recouvrer.

À sa grande surprise, le chaton lui répondit. Étrange... Elle était pourtant persuadée que les chats ne parlaient pas. Mais bizarrement, cela ne la surprit pas plus que cela. Car ce qui la préoccupait était le trou noir qui occupait son esprit.

L'animal noir répondit à sa première question en mentionnant le "Monde Fantôme". Cela ne lui disait rien. À vrai dire, elle ne se souvenait pas être déjà allée quelque part, puisqu'elle n'avait pas une seule image dans sa mémoire.

« Le Monde Fantôme... » répéta-t-elle machinalement, comme pour bien assimiler l'information. Mais... C'est quoi, un fantôme ?

Plus surprenant encore, il lui apprit avec le plus grand détachement qu'elle était décédée. Ah. Première nouvelle. Il était difficile d'assimiler l'idée de la mort lorsqu'on ne se souvenait pas avoir vécu. De ce fait, cette annonce ne l'attrista que peu sur le moment.

Afin d'appuyer son propos, le chaton désigna une partie du décor en-dessous d'eux. Une statue à l'effigie d'une jeune femme aux oreilles pointues gisait à moitié bloquée sous un rocher, au beau milieu d'une allée poussiéreuse. C'était... Elle ? Comment pouvait-elle être une statue ? La mort n'a jamais figé quelqu'un ainsi... Mais après tout, elle était en train d'avoir une conversation avec un chat, alors tout est possible.

« Cette femme... Tu es sûr que c'est moi ? »

Cette silhouette monochrome ne lui parlait guère. Et couchée ainsi, elle ne voyait que la moitié de son visage, le reste étant enfoui dans la poussière et quelques fragments de la roche meurtrière.

Le fait de ne se souvenir de rien était grandement frustrant. L'âme de céda pas à la panique ni à la tristesse, un sentiment de confusion prenant toute la place.

« Je ne me souviens pas... Je ne comprends rien... Pourquoi est-ce que je suis là... »

L'âme était plus que perdue. Le chaton doué de parole n'avait pas l'air de pouvoir l'aider à se souvenir de sa vie passée. Mais s'il n'était pas là pour cela, que faisait-il face à elle ? Pourquoi lui parlait-il ? Il devait bien jouer un rôle, s'il parlait aux morts en leur annonçant la fin de leur vie.

Il parla de la sauver en remontant le temps jusqu'à quelques instants avant sa mort. C'était possible ? Après tout ce qu'elle venait de voir et entendre, plus rien ne pouvait la surprendre. Et le fait d'oublier cette conversation ne lui importait que peu, si elle pouvait revenir à la vie et retrouver ses souvenirs.

Mais ce qui la titillait tout de même était la manière dont l'animal semblait prendre sa cause pour perdue. Elle s'efforçait de se souvenir et en avait grandement envie, mais rien n'y faisait... Elle scrutait la statue avec la plus grande attention en tentant de se reconnaître, cherchant un indice, un détail, et...

« Oh ! Mais... Oui ! Je me souviens ! »

Un détail sur la statue lui faisant retrouver une partie de sa mémoire, elle se rappela premièrement de sa forme originelle, qu'elle revêtit aussitôt. La flamme bleue qui représentait son âme prit la forme d'un imposant dragon aux écailles noires et aux ailes rouges. Rien à voir avec la jeune femme que le chat noir avait désignée.

« Gaïa... C'est moi. »

Se souvenir lui faisant un bien fou, elle arborait un air confiant.

« Je me suis laissée écraser par un vulgaire rocher ? Cela ne me ressemble pas ! »

Se souvenir de sa forme et de son nom soulageant ce sentiment de vide et de confusion qui s'était installé en elle, Gaïa se dressait fièrement face au chaton, qui paraissait minuscule à côté d'elle. Il se faisait même encore plus petit, l'air visiblement effrayé par cette creature qui venait d'apparaître sous ses yeux.

L'animal lui demanda qui elle était, d'un air hésitant. Du point de vue de la Manakete, il semblait avoir peur qu'elle le dévore, ce qui la fit rire doucement.

« Allons trésor, ne fais pas cette tête, je ne vais pas te manger. Les animaux ne font pas partie de mon régime alimentaire. »

Elle demeurait attendrie par ce petit être poilu, qui restait adorable même sous son attitude défensive, qui montrait clairement qu'il était terrifié.

« Je m'appelle Gaïa, je suis une Manakete. Cette statue que tu vois là représente la forme humaine que je peux revêtir à ma guise. Mais originellement, je suis un dragon, tel que tu le vois là. »

Elle jeta un regard à ladite statue, en comprenant pourquoi elle ne s'était pas reconnue sous son apparence humanoïde. Sa forme draconique était sa forme première, sa véritable identité. La dracopierre attachée à sa ceinture était l'élément qui avait ravivé ses souvenirs.

« Et toi, qui es-tu ? Pourquoi parles-tu ma langue ? »

Ses souvenirs étant revenus dans leur majorité, elle était désormais certaine qu'un chaton n'était pas censé pouvoir communiquer avec les êtres dotés de parole tels que les humains et les Manaketes. Elle savait aussi qu'en son monde, le "Monde Fantôme" n'avait, à sa connaissance, jamais été évoqué. Ainsi, cet adorable félin avait certainement beaucoup de choses à lui apprendre. Et à première vue, il était bien plus intéressant que n'importe quel être humain, aussi intelligent soit-il.

En ce qui concernait sa mort, cela ne l'inquiétait pas plus que précédemment. Premièrement parce qu'elle avait vécu suffisamment longtemps pour avoir fait plusieurs fois le tour de tout ce que la vie avait à offrir, et aussi parce que son interlocuteur avait mentionné le fait qu'il pouvait revenir en arrière et empêcher ce tragique quoique ridicule incident qui lui avait ôté la vie.

Le chaton face à elle lui semblant toujours aussi effrayé, il lui expliqua plus ou moins bien qu'un fantôme n'avait pas de voix, mais transmettait ses pensées aux autres. D'une certaine manière, elle voulait bien le croire. Car si leurs voix pouvaient s'entendre comme dans la réalité, l'animal aurait fait un bon en entendant la sienne, qui était certainement aussi perturbante que son apparence. Cette pensée lui arracha un sourire qu'elle ne tenta pas de dissimuler.

Le félin noir l'invita ensuite à changer d'apparence, comme elle en était capable de son vivant. Cette suggestion la rendit d'abord perplexe, puisque les humains étaient plus souvent fascinés qu'effrayés par les dragons. Mais d'une part, son interlocuteur était un chaton chétif et minuscule à côté d'elle, et d'autre part, elle n'était pas le dragon le plus sympathique d'apparence. Il fut un temps où ses écailles éveillaient une certaine forme de fascination dans le regard des autres, mais depuis ses aventures avec les disciples de Grima, celles-ci avaient pris une teinte bien plus sombre.

Et par ailleurs, elle n'avait que peu envie de revêtir sa forme humaine. Mais pour le bien de l'animal qui semblait à deux doigts de s'évanouir, elle voulait bien faire un effort.

« Si cela peut te rassurer, alors je vais essayer. »

Elle ne savait pas bien comment un fantôme était censé modifier sa forme -elle avait déjà du mal à se considérer comme tel-, mais si cela se rapprochait de sa métamorphose habituelle, elle pouvait certainement le faire. Se concentrant quelques secondes, elle fut surprise par la facilité de la tâche. Il lui avait suffi d'y penser pour que son apparence passe de la bête à la belle, sa forme humaine se tenant désormais devant le chaton noir, une main à la taille et un léger sourire aux lèvres.

« Cela te convient-il ? »

Alors qu'elle s'apprêtait à l’affubler d'un autre surnom mielleux, elle songea au fait que s'il pouvait communiquer avec elle, il avait certainement conscience et connaissance de son propre nom. D'abord, il n'avait pas répondu à sa question sur le sujet, ainsi elle réitéra sa demande de manière plus précise.

« Dis-moi, as-tu un prénom ? »

Si ce n'était pas le cas, elle se ferait un plaisir de lui en trouver un à la hauteur de sa mignonnerie.